Quelle est l’attitude de l’Église face à la politique ?
En tant qu’Église protestante évangélique et anabaptiste, nous tentons d’aborder la réalité politique d’une manière qui soit cohérente avec notre foi. Voici les attitudes et les convictions que nous tenons à cet égard.
Que croyez-vous au sujet des autorités politiques ?
Nous croyons en la nécessité des autorités politiques. L’Écriture nous dit que c’est Dieu lui-même qui a accordé aux structures politiques une place sous le soleil (Romains 13.1-7). La présence de structures politiques est donc légitime et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de la société.
Nous croyons que l’autorité est en soi une bonne chose. Nous ne confondons pas la notion d’autorité et l’exercice de l’autorité. L’autorité peut être saine ou abusive selon les personnes qui l’exercent. L’absence d’autorité est donc à déplorer autant que l’abus d’autorité.
Nous croyons en la séparation de l’Église et de l’État. L’Église se doit d’être libre et dissociée du pouvoir civil. De même l’État se doit d’accorder la liberté de religion et ne pas s’ingérer dans les affaires religieuses. Dans l’histoire du christianisme, notre tradition d’Églises (anabaptiste/mennonite) a été la première à demander et à promouvoir cette séparation.
Nous croyons que Dieu nous appelle à coopérer avec les autorités en place, avec l’État et ses représentants. Le bon fonctionnement d’une société nécessite un ordre social. Cela ne signifie pas que nous devons approuver toutes les politiques et mesures gouvernementales, mais le gouvernement a besoin de notre collaboration si nous voulons que la vie en société soit possible et agréable, et ce, quel que soit le parti politique au pouvoir.
La séparation de l’Église et de l’État implique-t-elle le silence de l’Église dans les débats sociaux ?
Non, nous ne croyons pas que la séparation de l’Église et de l’État implique le silence de l’Église dans la sphère publique. Au Canada et dans d’autre pays du monde, on essaie parfois de faire taire l’Église en avançant le principe de la séparation de l’Église et de l’État. Or, la séparation du civil et du religieux ne signifie pas que l’Église doit se retirer des enjeux de la société, ni s’isoler comme si elle n’avait rien à dire. Sa conscience chrétienne la pousse à désirer un monde meilleur et à s’impliquer socialement. L’Église a le droit de faire entendre sa voix au sein de la société comme tout autre organisme d’action sociale.
Nous reconnaissons que des dérapages surviennent parfois. Il arrive que certains groupes chrétiens adoptent des comportents maladroits, voire inappropriés, auprès des instances civiles. Ces dérapages sont regrettables et nuisent considérablement au témoignage de l’Église. Mais elles ne constituent pas, selon nous, une raison pour se montrer réactionnaire envers toute tentative d’influence sociale. Tout au plus, elles nous incitent à plus de prudence et de sagesse dans nos interventions sociales.
Il existe dans la société un espace public où chaque voix peut s’exprimer et où chaque personne ou groupe social peut faire valoir son point de vue. Il ne s’agit donc pas d’imposer ni de forcer nos vues judéo-chrétiennes sur la société, mais tout simplement de participer aux débats sociaux et de présenter un autre point de vue valable et digne d’être considéré. Notre responsabilité est de faire la promotion des valeurs évangéliques. Si nous maintenons la séparation du civil et du religieux, si nous faisons preuve de sagesse et de prudence dans nos interventions et si nous nous exerçons à exprimer respectueusement nos points de vue, alors, nous pouvons certainement être un acteur social dans la sphère publique, au même titre que n’importe quel autre individu ou organisme communautaire. Nous pouvons présenter nos valeurs et les défendre si nous croyons qu’elles constituent un bienfait pour l’ensemble de nos concitoyens mêmes si ces valeurs ne seront pas celles retenues par les autorités civiles.
Où vous situez-vous sur l’échiquier politique ?
En tant qu’Église, nous ne nous identifions à aucun parti politique. Nous ne nous identifions pas non plus à la droite religieuse américaine. En réalité, nos préoccupations rejoignent parfois la droite politique, d’autres fois, la gauche politique. Tout dépend des enjeux et des débats sociaux en cours. De plus, la réalité politique canadienne et québécoise est fort différente de la réalité politique américaine.
Nous évitons de soutenir un parti politique et d’utiliser notre tribune publique pour favoriser ou défavoriser un candidat qui se présente à des élections. Nous préférons nous situer par rapport à des enjeux plutôt que par rapport à des partis ou à des candidats.
Nous laissons les gens libres de leur allégeance politique. Toute personne participant à la vie de notre Église peut voter, soutenir et adhérer au parti politique de son choix. Nous encourageons toutefois nos membres à exprimer leurs opinions politiques en dehors des célébrations et réunions de l’Église.
Comment coopérez-vous avec les autorités en place ?
Nous cherchons d’abord à être des citoyens honnêtes et responsables. Cela implique de reconnaître l’autorité du gouvernement, de respecter les lois, de payer nos taxes et impôts, d’aller voter, de contribuer au bien commun, de participer à la vie civile, etc.
Nous cherchons à avoir, à entretenir et à promouvoir une attitude positive envers le gouvernement. Nous sommes conscient que la politique nous livre parfois un spectacle désolant, contribuant ainsi à la mauvaise réputation des politiciens. Toutefois, nous reconnaissons que plusieurs d’entre eux ont des motivations forts louables voulant se placer au service de la collectivité.
Nous prions pour les autorités politiques (1 Timothée 2.1-3). Gouverner une ville, une province ou un pays est une lourde tâche. C’est pourquoi nous pensons à nos dirigeants politiques lors de nos célébrations et intercédons occasionnellement pour eux afin qu’ils puissent exercer leurs fonctions avec droiture, honnêteté et intégrité. Nous prions pour qu’ils fassent passer le bien commun avant leurs intérêts partisans.
Nous cherchons à faire connaître nos opinions d’une façon constructive et pacifique. Coopérer avec les autorités en place ne signifie pas toujours les approuver. Nous exprimons parfois nos inquiétudes et nos désaccords, mais en tout temps, nous privilégions le dialogue et non la confrontation. Nous déplorons toute manifestation publique faisant usage de propos irrespectueux et de violence.
Stéphane Rhéaume, pasteur principal
Église chrétienne évangélique de St-Eustache
« J’exhorte donc, avant toutes choses, à faire des supplications, des requêtes, des actions de grâces, pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille,en toute piété et honnêteté. » (1Timothée 2.1-3)